lundi 15 mars 2010

NEWS: AFRIQUE DU SUD: LE DOMAINE DE WARWICK SACRE MEILLEUR DOMAINE DE L’ANNEE AU « SANTAM CLASSIC WINE TROPHY » AU CAP

Le « Santam Classic Wine Trophy » est un concours qui se déroule tous les ans en Afrique du Sud au Cap. Il consiste à soumettre à un jury de dégustateurs français (dont je fais partie) les meilleurs vins sud africains. Ce concours existe maintenant depuis une dizaine d’années et est organisé par Christophe Durand, viticulteur français en Afrique du Sud. Environ 500 vins sont goûtés à l’aveugle sur une période d’une semaine. Cinq prix sont remis pour les vins blancs et 10 prix pour les vins rouges sur la base des meilleures notes obtenues en calculant la moyenne arithmétique des notes de tous les dégustateurs après élimination des notes qui se situent en dehors de 2 écarts types de la moyenne.

Cette année les membres du jury étaient :

Marc Friederich
Sommelier et propriétaire du restaurant Chez Marc à Paarl.

Patrick Landanger
Propriétaire du domaine de la Pousse d’Or à Volnay.
http://www.lapoussedor.fr/



Laure Gasparotto
Journaliste pour le Point et le Figaro et écrivain.
http://www.laure-du-vin.com/



Claude Gilois
PDG de Vins Du Monde.
http://www.vinsdumonde.com/



Germain Lehodey.
Manager Général de l’ Aquila Game Reserve. Ancien sommelier de la Tour d’Argent.


Jean Yves Muller
Copropriétaire du fameux restaurant français le Caveau au Cape.
http://www.caveau.co.za/


Olivier Poels
Editeur/Journaliste La Revue du Vins de France.
http://www.rvf.fr/


Miguel Chan
Sommelier pour Southern Sun Hotels.
http://www.southernsun.com/



Pieter de Villiers
Copropriétaire du domaine de Mas Angel à Faugère.
http://www.masangel.fr/



Pieter de Villiers, né le 3 juillet 1972 à Malmesbury (Afrique du Sud), est un ancien joueur de Rugby à XV. Né sud-africain aux origines huguenotes et naturalisé français fin 2002. Il a joué en équipe de France et a évolué au poste de pilier droit au sein de l'effectif du Stade français Paris(1,84 m pour 111 kg). Il met un terme à sa carrière en avril 2008, en raison d'une blessure aux cervicales survenue en 2007, qui le handicapait trop. Il a honoré sa première cape internationale en équipe de France le 28 août 1999 contre l'équipe du Pays de Galles. Il participe à la coupe du monde en 1999 et notamment à la demi finale légendaire contre les All Blacks (43-31). En 2003 une blessure à l'épaule pendant la préparation le prive de la coupe du monde en Australie. Mais pour la coupe du monde 2007 en France, il est de nouveau titulaire au poste de pilier droit et participe à la victoire historique contre les All Blacks à Cardiff en 1/4 de finale (20/18).

Palmarès

En club

  • Champion de France: 1998, 2000, 2003, 2004, 2007
  • Finaliste : 2005
  • Vainqueur de la coupe de France: 1999
  • Finaliste : 1998
En équipe nationale
  • 69 sélections en équipe de France (1999-2007)
  • 2 essais (10 points)
  • Sélections par année : 4 en 1999, 7 en 2000, 11 en 2001, 7 en 2002, 3 en 2003, 8 en 2004, 10 en 2005, 9 en 2006, 10 en 2007
  • 27 matchs du tournoi des six nations
  • Grand chelem : 2002,2004
  • Vainqueur du tournoi des six nations: 2006, 2007
En coupe du monde
  • 2007: 5 sélections (Argentine, Namibie, Irlande, Nouvelle-Zélande, Angleterre)
  • 2003: forfait sur blessure
  • 1999: 3 sélections ( Argentine, Nouvelle-Zélande, Australie)

Philippe Dietrich
Winemaker, Directeur de Michael Partzold Wine Services.


Denis Garret
Chef sommelier export à Gefimag Château Peyrat Fourthon.
http://www.clubproduvin.com/



RESULTATS

Vainqueur toutes catégories : Warwick Wine Estate (importateur Vins du Monde)

Tous les ans, ce domaine dirigé par une femme de caractère, Norma Radcliffe, se retrouve en finale avec plusieurs vins et quasiment tous les ans elle gagne une médaille d’or avec son fameux Trilogy, un assemblage bordelais classique.

Vainqueur Catégorie Vin Blanc : Hoopenberg 'Integer' Chardonnay 2006
Vainqueur Catégorie Vin Rouge : Vriesenhof Pinot Noir 2007
Vainqueur Catégorie Liquoreux : Klein Constantia 'Vin de Constance' 2005


Médiales d’Or (Blanc)
Hamilton Russel Chardonnay 2009
Rudera Chenin Blanc 2008
Villiera Barrel Fermented Chenin 2009
Vriesenhof Chardonnay 2009


Médailles d’Or (Rouge)
Cederberg Shiraz 2008
Chamonix 'Greywacke' Pinotage 2007
La Motte Shiraz 2008
Oak Valley Pinot Noir 2008
Reyneke Reserve Red 2007
Rietvallei 'Esteana' 2007
Sumaridge Pinot Noir 2008
Veenwouden Classic 2006
Warwick Trilogy' 2006


CONCLUSION : MES IMPRESSIONS

Dans l’ensemble, l’Afrique du Sud progresse même si les progrès sont plus notables avec certains cépages qu’avec d’autres. Ce sont les Pinot Noir qui ont le plus progressé avec des clones mieux adaptés, des vinifications plus courtes et moins d’extractions. Il y a quelques années encore, deux domaines avaient le monopole du Pinot Noir, Hamilton Russel et Bouchard Finlayson, deux domaines adjacents dans la région de Hermanus au bord de la mer. Aujourd’hui une bonne douzaine de Pinot Noir de très bonne facture sont produit en Afrique du Sud et il n’est pas surprenant que le vainqueur de la catégorie de rouge soit un Pinot Noir. Le Pinotage, ce croisement de Cinsault et de Pinot Noir qui est un cépage particulièrement difficile à vinifier était resté jusqu’à ce jour une curiosité à part chez Warwick et Kanonkop. La qualité des vins produits à partir de ce cépage a aussi énormément progressé ces trois dernières années, en particulier chez Groot Constantia et Chamonix. C’est la deuxième année consécutive qu’un Pinotage remporte une médaille d’or. Deux Chenin blanc médaillés d’or confirment que ce cépage, largement planté dans ce pays a trouvé un terroir de prédilection. Le Cabernet Sauvignon restent encore aujourd’hui le plus grand cépage de l’Afrique du Sud même si on ne sait plus faire, comme dans beaucoup de pays, des vins aux degrés d’alcool maîtrisé. Où sont passé les Meerlust Rubicon magnifique expression du terroir sud africain pour le Cabernet à 13 0 d’alcool ? La Syrah progresse aussi, même si on ne retrouve que rarement l’expression de violette qui la caractérise si bien dans la vallée du Rhône sauf à Constancia, région plus fraîche au bord de la mer. Les merlots sont lourds en général sauf chez Morgenhof et Weenwouden qui en dépit d’un degré d’ alcool élevé restent élégants.

La grande déception de l’Afrique du Sud, c’est le Sauvignon Blanc même dans sa région de prédilection, Constancia. Il est vrai que le Sauvignon Blanc il y a quelques années s’apparentait plus à un produit chimique qu’à du vin avec des ajouts de toutes sortes d’édulcorants avant que les autorités n’interviennent pour mettre fin à ce scandale. Le réapprentissage s’avère difficile. Trop de sauvignon blanc sont récoltés en sous maturité ou en surmaturité, la sous- maturité étant particulièrement à la mode en ce moment.

L’Afrique du Sud semble, comme beaucoup de pays viticole, souffrir de la désaffection des consommateurs pour les liquoreux. Seul le mythique Vins de Constance semble tirer son épingle du jeu mais on est loin en qualité des grands liquoreux du Monde voire même de certains liquoreux de domaine sud africains qui malheureusement n’entre pas leurs vins dans les concours souvent par désintérêt pour cette catégorie.

Reste le problème majeur de l’Afrique du Sud : les maladies virales et en particulier l’enroulement de la vigne [1] car cette maladie atteint en Afrique du Sud des proportions inquiétantes. Il faut arracher et replanter les vignes tous les quinze vingt ans. Economiquement c’est très lourd car la rentabilité des domaines s’en trouve affectée et les prix doivent être majorés pour compenser les opérations de replantation particulièrement coûteuses. De plus sans vieilles vignes difficile de faire des grands vins et c’est bien ce qui manque à l’Afrique du Sud, une ou deux locomotives pour une reconnaissance qui mettrait l’Afrique du Sud sur la carte des grands pays viticoles car la qualité des terroirs est exceptionnelle.



[1] L'enroulement viral de la vigne est une maladie présente dans tous les pays viticoles du monde. Les virus responsables de cette maladie, nommés GLRaV (grapevine leafroll-associated virus), appartiennent au genre Closterovirus.

mardi 9 mars 2010

SEISME CHILI : LA VINICULTURE DUREMENT TOUCHEE

D’après les premières constatations, la viniculture chilienne, essentiellement orientée vers l’exportation (Etats-Unis et Europe du nord), aurait été durement touchée par le terrible séisme (le second le plus fort de l’histoire depuis qu’on les mesure) qui a affecté tout le centre du pays où se contre 70% de son vignoble, à savoir les régions de Maipo, Chacapoal, Colchagua, Maule y Bio Bio.

Le responsable de la Corporation chilienne du vin, l’organisme professionnel, Antonio Larrain, a indiqué, dans une dépêche de l’agence britannique Reuters, datée de New York, qu’au moins 20% des 900 millions de litres en stock « seraient compromis ».
Les professionnels procèdent toujours une semaine après le sinistre à une évaluation de l’impact du sinistre sur leur activité.

Le Domaine Concha y Toro, le plus gros importateur, indique dans cette même dépêche que leur « société, comme le reste de la branche, a été fortement affectée »
« Nous avons pu constater d’importants dégâts dans certains de nos plus importantes vignes », a-t-il souligné.

En revanche, le gérant du domaine Santa Rita affirme qu’il n’a été constaté aucun dégât sur leur propre vignoble. « C’est pour cela que nous ne sommes pas pessimistes en ce qui concerne la qualité du raisin », a-t-il dit.

Mais, pour le président de la Société nationale d’agriculture, organisme professionnel des exploitants agricoles, « la viticulture va subir des pertes significatives », certains domaines ayant été sérieusement endommagés.
Le début des vendanges était prévu pour la fin de la première semaine de mars (automne austral). Il a été pour le moment repoussé d’une semaine.

Les infrastructures de la région sont détruites, notamment des routes et le port de Valparaiso par lequel partent les exportations.

Il est probable que d’ici quelques temps, si la branche vinicole chilienne est défaillante, des tensions se feront sentir sur ses marchés traditionnels.

vendredi 5 mars 2010

ET PAN SUR LE GOULOT!


Avant d’entrer dans le vif du sujet : un rappel important. Le 24 mars prochain sera une date historique incontournable dont les deux principaux protagonistes seront les Deux singes en hiver… N’oubliez de vous reporter à la chronique intitulée Ernest, Charles, Antoine et Deux singes en hiver. Elle fourmille d’indices. Celui qui sera le premier à deviner pourquoi ce 24 mars sera historique gagnera une bouteille que détient dans sa cave Vins du monde.

Bon, revenons à nos moutons, ou plus exactement à nos bouteilles. L’événement est passé inaperçu. Pourtant, il aurait dû susciter dans le landerneau vinicole hexagonal quelques émois. Mais rien, silence radio, télé, journaux. A notre connaissance, hormis le Courrier international du 28 janvier, numéro 1004, page 11, qui révèle l’affaire dans l’hexagone, personne n’en a fait état… Curieux, comme c’est curieux… Nous avons dit curieux…. Pourtant, l’affaire aurait dû provoquer au moins un bruissement amusé…

Pour ceux qui ne le connaissent pas, le Courrier international est un hebdomadaire qui publie une sélection d’articles de la presse étrangère mondiale. Ainsi on peut lire des extraits des journaux asiatiques, sud-américains, africains, européens. Même si ses choix sont parfois discutables (comme tout ce qui est humain), il apporte un éclairage culturellement croisé. Dans le monde, c’est la seule publication de ce genre. Ce qui prouve que les Français ne sont pas aussi refermés sur eux-mêmes qu’ils le croient…

A cause d’un petit blanc

Dans ce numéro donc, Courrier international avait publié un article du très sérieux et austère The Wall Street Journal (on peut vous assurer que ce n’est ni Play Boy ni Siné ou Charly hebdo). Son titre était : « Les Néo-Zélandais voient rouge à cause d’un petit blanc ». Le sous-titre qui suivait ajoutait : « Les Français, champions des appellations d’origine contrôlée, ont été pris à leur propre jeu. Leur « Kiwi cuvée », produit dans le Val de Loire, est désormais interdit sur le marché australien. »

En peu de mots, l’article indique que la société vinicole Lacheteau, qui a son siège à Doué La Fontaine, en Maine et Loire, près de Saumur, propriété des Grands chais de France depuis 2005 (pour en savoir plus sur la société voir www.lacheteau.fr), a tenté d’introduire sur le marché australien un assemblage de sauvignons blancs de plusieurs zones du Val de Loire, sous la marque « Kiwi cuvée ». La pub affirmait que ce blanc avait des « arômes de citron vert, de poivron vert et d’herbe mouillée. Ce vin de table, vif et bien équilibré, accompagnera à merveille des fajitas au poulet. »

On voit tout de suite que ce n’était pas un vin destiné à la grande gastronomie. Les fajitas au poulet… y a plus flatteur pour le palais. Et un vin s’accordant, fusse à merveille, avec un seul plat, ce n’est pas non plus un grand cru… Le sang des viticulteurs néo-zélandais n’a néanmoins fait qu’un tour dans leurs veines. Ils ont saisi les autorités australiennes faisant « valoir que l’appellation Kiwi devrait être réservée, sur le territoire australien, qu’aux produits provenant de Nouvelle-Zélande. » Le bureau des marques australien leur a donné gain de cause : Lacheteau doit trouver une autre dénomination si elle veut rester sur ce marché des antipodes avec ce vin.

En réalité, souligne l’article, il semble que c’est qu’un prêté pour un rendu. En 2005, Lacheteau avait menacé de poursuite un domaine vinicole néo-zélandais, le Kahurangi Estate, parce qu’il exportait en Suède un chardonnay sous l’étiquette « Kiwi Blanc ». La société française avait indiqué qu’elle avait déposé la marque « Kiwi cuvée » et intenterait un procès – fût-il néo-zélandais – à quiconque oserait l’utiliser en Europe.

Donc pan sur le goulot de Lacheteau…

L’affaire devient encore plus cocasse que Kiwi est la marque, très connue, depuis 1906, d’un cirage aujourd’hui propriété du groupe américain Sara Lee. Bon confondre du cirage avec du vin même lorsqu’on est dans le cirage est impossible… Cette marque avait été crée par un Australien d’origine écossaise.

The Wall Street Journal rappelle que la question des appellations d’origine remonte à 1883 avec la signature de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle qui instaurait l’obligation de mentionner l’origine des produits. Les premiers signataires furent la France, l’instigatrice, la Suisse, l’Espagne, l’Italie et le surprenant Brésil.

L’article conclut : « Il est donc difficile de voir dans l’action des viticulteurs néo-zélandais autre chose qu’une revanche, après cent ans de diktats français sur qui peut s’appeler quoi et comment. »

Les Deux singes en hiver se permettent d’ajouter leur grain de sel. Les appellations contrôlées sont une excellente chose quand on défend… l’excellence. En matière de vin, mais seulement pour le vin, on sait que le terroir tient un rôle essentiel. Un légume, un fruit, d’ici n’est pas identique à un légume ou un fruit de là-bas. Alors nous posons la question : pourquoi Lacheteau s’est avancée sur le marché australien sous un masque ? Car qui dit Kiwi pense automatiquement Nouvelle-Zélande. Pourquoi ne pas afficher clairement l’identité nationale de son vin. La France et le Val de Loire demeurent des références vinicoles mondiales, des atouts incomparables. Alors, oui, pourquoi établir un malentendu ? L’avenir de la viticulture française se jouera sur les marchés mondiaux. Pour cela, elle doit s’organiser, s’inspirer de ce qui s’est fait commercialement mais en jouant franc-jeu.

Le Canard enchaîné a une rubrique qui s’appelle : Pan sur le bec. Elle lui sert à reconnaître ses erreurs en se moquant de lui-même. Les Deux singes en hiver inaugurent avec cette chronique Pan sur le goulot une rubrique dans laquelle, eux, se moqueront d’eux-mêmes chaque fois qu’ils se planteront mais dans laquelle ils dénonceront aussi les travers du landerneau vinicole planétaire et pas seulement hexagonal.

Pourquoi Lacheteau ne baptiserait pas son blanc… Faites vos suggestions. Nous les communiquerons à Lacheteau. Nous, nous proposons : La cuvée du Val, un blanc vif… Ouais, d’accord… Y a mieux. Mais à vous de trouver.


mardi 2 mars 2010

ERNEST, CHARLES, ANTOINE ET LES DEUX SINGES EN HIVER

D’accord, vous allez dire que ce titre ça sent le plagiat, que ça rappelle cette comédie futile de Claude Sautet de 1974, avec Yves Montand, Michel Piccoli, Serge Reggiani et, en appoint un jeune acteur au talent prometteur, Gérard Depardieu, capable de se fondre dans n’importe quel rôle, sublimer un personnage quelconque, qui était intitulée Vincent, François, Paul et les autres… Erreur crasse, ce titre n’annonce pas comme il semble le suggérer un « remake ». Le cinéma n’est plus le fort des Deux singes en hiver, dont les prénoms sont, à toutes fins utiles, Claude et Ricardo.

Les Ernest, Charles et Antoine sont Hemingway, Bukowski et Blondin, trois écrivains à l’égard desquels les Deux singes sentent comme une filiation. Pour la filiation, vous dîtes tout de suite sans réfléchir : bien sûr, la bouteille. Pas entièrement faux, pas entièrement exact. A partir du 24 mars, les Deux singes auront quelque chose de commun en plus avec eux. Le premier qui réagit et devine ce que sera ce point commun gagnera une bonne bouteille que Vins du monde détient dans sa cave.

Pour vous aider à trouver, voici quelques éléments biographiques des trois hommes de plume qui vivaient avant ce qu’ils allaient écrire.

Papa Hemingway était américain. Il était né le 21 juillet 1899 et s’était suicidé le 2 juillet 1961. Il chassait, il pêchait, il était un aficionado de corridas, il aimait la boxe. Il a dit un jour : « On ne dérange pas un homme qui boit » car c’était quand il buvait, accoudé au bar de la Floridita à La Havane, qu’il écrivait dans sa tête ses livres. C’est en buvant qu’il a pondu « Le vieil homme et la mer » qui lui a valu le prix Nobel. Il est le seul des trois à avoir reçu le plus prestigieux prix littéraire de la terre. Il a participé à la 1ère guerre mondiale, à la guerre d’Espagne et au débarquement en 1944 en Normandie. Il est la figure emblématique de ce qu’on appelait « La génération perdue ». Son style direct et sec, il l’a façonné en Espagne, dans ses reportages. Les Deux singes aiment beaucoup Papa parce qu’il a dit : « Tout homme intelligent est parfois obligé d’être saoul pour passer du temps avec des imbéciles».

Bukowski, alias Hunk, Buk, Henry Chinaski, est « le gros dégueulasse » qui scandalisa le Paris des lettres en se pointant complètement bourré à l’émission Apostrophes de Bernard Pivot, en 1978. Cette émission, c’était les vêpres de l’intelligentsia d’alors. Le subversif Cavanna de Charly Hebdo aida à ce qu’on foute Buk à la porte de l’émission. Car il y a des choses qui ne se font pas : être bourré à une émission littéraire. Personne ne se souvient des autres invités. En revanche de Buk avec son gros pif, sa gueule vérolée, sa barbe mal taillée, sa tignasse rejetée en arrière, et son élocution pâteuse, on s’en souvient encore. Il était né le 16 août 1920 en Allemagne. En fait il était Allemand de naissance, mais il mourut Américain le 9 mars 1994 (ne voir aucune relation entre la nationalité et le décès). Si on précise les jours de sa naissance ainsi que ceux d’Ernest et d’Antoine, c’est parce qu’il y en a qui croit aux balivernes des astres, à ces trucs de prédestination. Nous, nous avons adopté une philosophie : ne contrarier personne, et depuis, on n’a que des amis qui nous paient des coups. Suivez notre exemple quand vous êtes dans la dèche… Buk a eu une enfance malheureuse. Son père n’arrêtait pas de lui filer des roustes. Un jour, il avait 16 ans, à son tour, il a filé une toise au paternel et a quitté la maison. Sa carrière littéraire venait de commencer… Il est le seul écrivain qui peut se venter d’avoir été un véritable homme de lettres. Pendant de très nombreuses années, il a été facteur. Il n’a pas fait partie de la « Beat Generation », comme on le croit communément. Ses maîtres étaient Hemingway, Céline, Camus, Dostoïevski et John Fante. Quand il avait du fric, il allait le dépenser sur les champs de courses. Pour les Deux singes, il est le « paumé qui a réussi ». C’est un vrai exploit sociologique de réussir quand on est un paumé. Il a dit : « Les gens qui n’ont jamais un moment de folie : quelle horreur leur vie », ou encore, « il paraît moins grave de causer sa propre mort que celle des autres. » Cent pour cent d’accord, ajoutent les Deux singes.

Enfin, Blondin, le cadet puisqu’il est né le 11 avril 1922 et est mort le 7 juin 1991, est un peu notre père putatif. Il a couvert tous les Tours de France de 1954 à 1982. Une de ses chroniques s’est intitulée « La légende des cycles ». Il fallait trouver. Chapeau Monsieur Jadis, le Flâneur de la rive gauche. Son style classique, sobre, brillant, a fait qu’on l’a situé entre Stendhal et Jules Renard. Pour nous, il est et il restera « le pédaleur du stylo », le «Darrigade de la feuille blanche » (seuls les vieux comprendront). Ses chroniques qu’il écrivait à la va-vite à l’arrivée de chaque étape, il les écrivait après plusieurs ravitaillements liquides. Bref, il était sérieusement bourré d’où leur charme déconcertant. Elles sont un modèle pour tout apprenti chroniqueur. Il aimait aussi le rugby, pour la beauté épique de ce sport et aussi parce qu’il y avait en ce temps-là une vraie troisième mi-temps. Les Deux singes aiment ces deux citations de lui, très symptomatiques de son ton : « Après la guerre mondiale, les trains recommencèrent à rouler. J’en ai profité pour quitter ma femme et mes enfants. », ou encore, « Toutes les femmes sont fatales ; on commence par leur devoir la vie, elles finissent par causer votre perte. »

Une lecture de cette chronique attentive vous fera découvrir quel point commun nous aurons avec ces trois écrivains au penchant pour la bouteille affirmé. Le 24 mars, va être une date, un tournant. Oui, vous chauffez, c’est presque ça. Cherchez, vous trouverez, vous n’êtes pas loin, et le premier gagne une bouteille. En attendant, nous filons au bistro du coin, le Cyrano, place de Clichy, retrouvez Ernest, Charles, Antoine, et un autre copain qui, accoudé au bar comme si c’était jour de tempête en Vendée, ne cesse de répéter : « Ah, la salope ! Pouvais pas m’en douter qu’elle partirait avec un alpiniste… »