vendredi 5 mars 2010

ET PAN SUR LE GOULOT!


Avant d’entrer dans le vif du sujet : un rappel important. Le 24 mars prochain sera une date historique incontournable dont les deux principaux protagonistes seront les Deux singes en hiver… N’oubliez de vous reporter à la chronique intitulée Ernest, Charles, Antoine et Deux singes en hiver. Elle fourmille d’indices. Celui qui sera le premier à deviner pourquoi ce 24 mars sera historique gagnera une bouteille que détient dans sa cave Vins du monde.

Bon, revenons à nos moutons, ou plus exactement à nos bouteilles. L’événement est passé inaperçu. Pourtant, il aurait dû susciter dans le landerneau vinicole hexagonal quelques émois. Mais rien, silence radio, télé, journaux. A notre connaissance, hormis le Courrier international du 28 janvier, numéro 1004, page 11, qui révèle l’affaire dans l’hexagone, personne n’en a fait état… Curieux, comme c’est curieux… Nous avons dit curieux…. Pourtant, l’affaire aurait dû provoquer au moins un bruissement amusé…

Pour ceux qui ne le connaissent pas, le Courrier international est un hebdomadaire qui publie une sélection d’articles de la presse étrangère mondiale. Ainsi on peut lire des extraits des journaux asiatiques, sud-américains, africains, européens. Même si ses choix sont parfois discutables (comme tout ce qui est humain), il apporte un éclairage culturellement croisé. Dans le monde, c’est la seule publication de ce genre. Ce qui prouve que les Français ne sont pas aussi refermés sur eux-mêmes qu’ils le croient…

A cause d’un petit blanc

Dans ce numéro donc, Courrier international avait publié un article du très sérieux et austère The Wall Street Journal (on peut vous assurer que ce n’est ni Play Boy ni Siné ou Charly hebdo). Son titre était : « Les Néo-Zélandais voient rouge à cause d’un petit blanc ». Le sous-titre qui suivait ajoutait : « Les Français, champions des appellations d’origine contrôlée, ont été pris à leur propre jeu. Leur « Kiwi cuvée », produit dans le Val de Loire, est désormais interdit sur le marché australien. »

En peu de mots, l’article indique que la société vinicole Lacheteau, qui a son siège à Doué La Fontaine, en Maine et Loire, près de Saumur, propriété des Grands chais de France depuis 2005 (pour en savoir plus sur la société voir www.lacheteau.fr), a tenté d’introduire sur le marché australien un assemblage de sauvignons blancs de plusieurs zones du Val de Loire, sous la marque « Kiwi cuvée ». La pub affirmait que ce blanc avait des « arômes de citron vert, de poivron vert et d’herbe mouillée. Ce vin de table, vif et bien équilibré, accompagnera à merveille des fajitas au poulet. »

On voit tout de suite que ce n’était pas un vin destiné à la grande gastronomie. Les fajitas au poulet… y a plus flatteur pour le palais. Et un vin s’accordant, fusse à merveille, avec un seul plat, ce n’est pas non plus un grand cru… Le sang des viticulteurs néo-zélandais n’a néanmoins fait qu’un tour dans leurs veines. Ils ont saisi les autorités australiennes faisant « valoir que l’appellation Kiwi devrait être réservée, sur le territoire australien, qu’aux produits provenant de Nouvelle-Zélande. » Le bureau des marques australien leur a donné gain de cause : Lacheteau doit trouver une autre dénomination si elle veut rester sur ce marché des antipodes avec ce vin.

En réalité, souligne l’article, il semble que c’est qu’un prêté pour un rendu. En 2005, Lacheteau avait menacé de poursuite un domaine vinicole néo-zélandais, le Kahurangi Estate, parce qu’il exportait en Suède un chardonnay sous l’étiquette « Kiwi Blanc ». La société française avait indiqué qu’elle avait déposé la marque « Kiwi cuvée » et intenterait un procès – fût-il néo-zélandais – à quiconque oserait l’utiliser en Europe.

Donc pan sur le goulot de Lacheteau…

L’affaire devient encore plus cocasse que Kiwi est la marque, très connue, depuis 1906, d’un cirage aujourd’hui propriété du groupe américain Sara Lee. Bon confondre du cirage avec du vin même lorsqu’on est dans le cirage est impossible… Cette marque avait été crée par un Australien d’origine écossaise.

The Wall Street Journal rappelle que la question des appellations d’origine remonte à 1883 avec la signature de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle qui instaurait l’obligation de mentionner l’origine des produits. Les premiers signataires furent la France, l’instigatrice, la Suisse, l’Espagne, l’Italie et le surprenant Brésil.

L’article conclut : « Il est donc difficile de voir dans l’action des viticulteurs néo-zélandais autre chose qu’une revanche, après cent ans de diktats français sur qui peut s’appeler quoi et comment. »

Les Deux singes en hiver se permettent d’ajouter leur grain de sel. Les appellations contrôlées sont une excellente chose quand on défend… l’excellence. En matière de vin, mais seulement pour le vin, on sait que le terroir tient un rôle essentiel. Un légume, un fruit, d’ici n’est pas identique à un légume ou un fruit de là-bas. Alors nous posons la question : pourquoi Lacheteau s’est avancée sur le marché australien sous un masque ? Car qui dit Kiwi pense automatiquement Nouvelle-Zélande. Pourquoi ne pas afficher clairement l’identité nationale de son vin. La France et le Val de Loire demeurent des références vinicoles mondiales, des atouts incomparables. Alors, oui, pourquoi établir un malentendu ? L’avenir de la viticulture française se jouera sur les marchés mondiaux. Pour cela, elle doit s’organiser, s’inspirer de ce qui s’est fait commercialement mais en jouant franc-jeu.

Le Canard enchaîné a une rubrique qui s’appelle : Pan sur le bec. Elle lui sert à reconnaître ses erreurs en se moquant de lui-même. Les Deux singes en hiver inaugurent avec cette chronique Pan sur le goulot une rubrique dans laquelle, eux, se moqueront d’eux-mêmes chaque fois qu’ils se planteront mais dans laquelle ils dénonceront aussi les travers du landerneau vinicole planétaire et pas seulement hexagonal.

Pourquoi Lacheteau ne baptiserait pas son blanc… Faites vos suggestions. Nous les communiquerons à Lacheteau. Nous, nous proposons : La cuvée du Val, un blanc vif… Ouais, d’accord… Y a mieux. Mais à vous de trouver.


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