mardi 5 mai 2009

EXTRAITS DE L'ARTICLE « L’éthique des chroniqueurs viticoles »

Jancis Robinson, 22 avril 2009


On a beaucoup parlé sur le site DrVino.com des auteurs de revues viticoles qui seraient soudoyés par les producteurs et les vendeurs de vin. Arthur Z Przebindaof
(www.winesooth.com) me demanda de répondre à certaines questions concernant ce sujet :


Les échantillons de vin
Je ne les considère pas comme un des avantages de mon travail. Pour être honnête, ils m’embarrassent plus qu’ils ne me servent. Je ne me sens pas obligée d’un commentaire élogieux sur un vin parce qu’il m’en a été envoyé un échantillon.
On m’envoie parfois des vins auxquels je ne suis pas du tout familière, j’en profite pour les commenter et les noter sur mon site Internet.
Ce qui me gène d’avantage, c’est de recevoir une caisse d’un vin encensé par ma critique, en guise de remerciement ou tout simplement de cadeau amical. Il me semble que cette pratique est plus courante en France qu’en Angleterre. Mas de Daumas Gassac a l’habitude de m’envoyer une caisse entière de leur nouveau millésime, non pas j’en suis sûr pour tenter de « m’acheter », mais simplement parce que cela fait partie d’une certaine forme de politesse en France.

AXA millésime envoie régulièrement une magnifique sélection de Bordeaux (dont du Pichon Longeville) aux chroniqueurs de vins. Lorsque j’ai averti Christian Seely, membre de AXA millésime, que son geste pouvait être mal interprété, cela l’a plongé dans une certaine morosité. Son seul désir était de nous faire constater la parfaite maturité de ces vins en comparaison aux primeurs.

Seulement 5% des échantillons que je reçois sont utilisés, le plus souvent pour compléter une rubrique vide d’un de mes articles. J’essaie pourtant de goûter au maximum les échantillons que l’on me fait parvenir, hormis ceux des grosses coopératives qui envoient la même sélection à tous les écrivains uniquement dans le but d’orienter subjectivement leur jugement.
J’essaie également de goûter en priorité les échantillons provenant de petites structures, et qui ne commercialisent pas en grande surface, car ce sont ceux qui ont le plus besoin d’aide. Je suis très sensible aux sollicitations que j’ai de la part de nouveaux producteurs, mais je leur suggère de s’adresser à l’Institue des Masters du Vin, qui leur conseillera d‘excellents consultants et qui auront parfois plus de temps que moi à leur consacrer, bien que je sois toujours très désireuse de connaître de nouveaux domaines.


Les dégustations
Je teste rarement les vins chez moi. Londres possède un calendrier de dégustations très vivant et nous ne manquons pas une occasion de profiter des larges sélections proposées. Ces dégustations sont très soignées, et se font dans le respect des règles. Il y a parfois un buffet entre deux dégustations, et certains anglais sont d’ailleurs bien plus intéressés par ce dernier que par la dégustation elle même.
J’apprécie particulièrement les dégustations au sein même des caves. Mais cela prend beaucoup de temps car il faut souvent faire de longs voyages. J’essaie pourtant de me rendre dans le Bordelais généralement en Avril, en Allemagne en Août et dans le Rhône en fin d’année.



Les distractions
Il est très rare d’avoir un repas en même temps qu’une dégustation, mais l’ambiance est souvent très conviviale. J’apprécie de partager un déjeuner avec un producteur ou un vendeur, tant que celui là n'espère pas m’acheter avec une telle méthode.
La question de l’amitié dans le domaine du vin est très délicate. Je partage de bons moments avec la plupart des personnes que je côtoie dans ce milieu, mais je m’assure toujours de bien distinguer ce que je pense du producteur et ce que je pense de ce qu’il produit. La chose qui me paraît la plus importante est de garder son indépendance, et ainsi d’écrire de façon objective. Dans mon mémoire, je cite l’exemple de Ernst Gorge, avec qui j’ai partagé d’excellents moments. C’est un homme plein d’humour, et très attentionné. Mais je pense n’avoir jamais écrit un mot sur ces vins, que je ne trouvais tout simplement pas assez bons.


Le logement
J’ai l’impression de laisser une petite partie de ma fortune dans les hôtels. Je suis occasionnellement accueillie par les producteurs au sein du domaine, quand ceux-ci sont très isolés. Ce fut le cas lors de ma visite dans la Yara Valley en début d’année, car il m’était impossible de regagner mon hôtel suite aux feux de brousse. Néanmoins, j’essaie toujours de m’arranger au mieux pour rester indépendante.

Les voyages
Comme vous pouvez l’imaginer je voyage beaucoup. Je suis fréquemment invitée à ce que l’on appelle des « voyages de presse », par de petits producteurs. J’ai pris l’habitude de décliner ces invitations, sauf quand je pense qu’il y a vraiment un intérêt à faire ce voyage, auquel cas je préfère prendre les coûts à ma charge.

Les autres écrivains
J’estime avoir beaucoup de chance de pouvoir vivre seulement grâce à mes écrits sur le vin. La seule autre personne du staff JancisRobinson.com travaillant à temps plein est Julia Harding MW. Nous avons toutes les deux les mêmes principes.