lundi 25 janvier 2010

PAUL DRAPER DU DOMAINE DE RIDGE EN CALIFORNIE: LE DERNIER DES MOHICANS?

Ou :
La primauté des critiques américains sur le terroir californien.
Claude Gilois

Paul Draper est en charge de ce domaine mythique dans les montagnes de Santa Cruz à 120 km au sud de San Francisco depuis plus de quarante ans. Il a donc vécu le renouveau de la viticulture californienne depuis le début (après sa quasi disparition suite à la prohibition) et le formidable succès de cette résurrection qui a amené en moins de quarante ans, les vins californiens sur le devant de la scène viticole internationale. Dès 1976, lors d’une dégustation aujourd’hui appelée le jugement de Paris (dont nous reparlerons au mois de mars), des dégustateurs français jugeaient les vins californiens au même niveau, voire même au-dessus des grands bordeaux français, y compris les premiers crus . Il est vrai qu’à cette époque, il n’était pas si facile de faire la différence entre un vin français d’assemblage bordelais et un vin de Californie élaboré avec les mêmes cépages. Les degrés d’alcool étaient assez proches et même s’il existait sans doute une plus grande générosité de fruit sur les californiens, ils constituaien t d’excellents intrus dans une dégustation de vins d’assemblage bordelais.

C’est ce qui sans doute séduit les journalistes et les consommateurs anglais qui furent les premiers à importer les vins californiens dès le début des années 70. Aujourd’hui, il suffit de consulter la presse spécialisée anglaise pour s’apercevoir que les vins américains ne font plus l’unanimité. Trop d’alcool, trop lourds et pas représentatifs de leur terroir en particulier celui de la Napa.

Que s’est-il donc passé pour qu’on assiste a un tel changement en si peu de temps ?

«Le milieu de la décade 1990 et en particulier 1997 seront les années qui marqueront le changement » nous dira Paul Draper lors de sa visite à Paris en décembre 2009 pour une somptueuse dégustation verticale de Monte Bello. 1997 fut une année chaude et le millésime riche en Californie. Il fut retenu par les journalistes californiens en particulier par Robert Parker et le Wine Spectator comme l’année de référence. A partir de ce millésime, tous les millésimes allaient être comparés au millésime 1997. Les notes des critiques furent consistantes, bonnes pour ceux qui faisait des vins dans le style des 1997 et particulièrement mauvaise pour ceux qui persistaient à faire des vins en finesse avec des degrés d’alcool maîtrisés. Les producteurs apprirent très vite à modifier le style de leur vin en récoltant plus tard à des dégrées d’alcool plus élevés pour avoir les meilleurs notes possibles. Il fallait être de la trempe d’un Paul Draper ou Warren Winaiaski (de Stags Wine Cellar) ou d’un Jim Clendenen d’Au Bon Climat pour résister à cette lame de fond. Warren Winiarski ayant maintenant pris sa retraite et vendu son domaine, nous doutons fort que les vins du domaine, dont le magnifique Cask 23, continuent d’être élaborés dans le même style.

Mes déplacements en Californie me donnent l’occasion de goûter des vieux millésimes et je peux vous assurer que les vins des années 1980 et début des années 1990 sont différents des vins élaborés aujourd’hui. Les grandes cuvées de Beringer et de Mondavi sont d’une grande finesse. Un Hillside Select de Shafer de 1990 gouté l’année dernière au domaine est bien différent de ceux produits aujourd’hui.

Le réchauffement climatique n’est pas dans l’état actuel suffisant pour expliquer ces changements car des vignerons comme Paul Draper ou Jim Clendenen sont tout à fait capables d’élaborer des vins à parfaite maturité phénolique et a des degrés d’alcool maitrisés.

Le gommage du terroir par des degrés d’alcool élevés et un usage excessif de la barrique rendent maintenant ces vins difficilement identifiables et aussi difficilement buvables. Dommage !!

Vins du monde continuera à s’approvisionner chez les producteurs qui ont su faire la jonction de la tradition française et du renouveau des forces vives viticoles californiennes sans tomber dans l’excès que réclame toujours plus les critiques américains.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire