Par Ricardo Uztarroz*
Faut pas désespérer du genre humain ! Qu’est-ce qui lui prend à ce Singe en hiver pour balancer pareil avis péremptoire ? Commencerait-il à avoir la grosse tête, à se prendre pour un néo-nouveau philosophe, un anti- Schopenhauer, ce penseur allemand du XIX° qui estimait que la vie oscillait entre « douleur et ennui », ou encore un anti-Cioran, grande figure intellectuelle de Saint-Germain-des-Près d’origine roumaine, chantre de l’inutilité de l’existence, qui considérait que toute naissance était « un accident risible » qui mourut néanmoins de vieillesse alors qu’il aurait été logique qu’il se suicidât. Mais, voilà, on a beau avoir des vilaines pensées sur la vie, il n’en demeure pas moins que celle-ci, la vie, est putainement belle en fin de compte. Ce n’est pas l’auteur de ces lignes qui dira le contraire.
Il se félicite que ses géniteurs aient copulé le jour ou le soir où ils l’ont fait, comme ça il est parmi vous. Si ç’avait été la veille, ça aurait été un(e) autre que lui, et si ç’avait été le lendemain, ça n’aurait pas été lui, quand on sait le peu de probabilité qu’a un spermatozoïde d’atteindre son but. Passer du stade de spermatozoïde à être humain au terme d’une course effrénée, ça du bon car un des bonheurs de la vie c’est qu’elle permet de boire et de tirer des bons coups…
Qu’est-ce donc qui incite ce Singe en hiver à être aussi sentencieux que ça, aussi docte qu’un médecin penché sur un cadavre annonçant : « la vie l’a quitté », à aller à contre-courant du climat de morosité depuis le tour de passe-passe des sub-primes qui en a ruiné plus d’un qui se croyait super-malin et privilégié en plaçant sa fortune chez Madoff, un vrai génie celui-là de l’embrouille et de la carambouille? Tout simplement un nouvelle parue à la fin de l’été, au moment juste où on doit reprendre le collier, et qui est passée en grande partie inaperçue, noyée dans le flot de nouvelles sans intérêt et de polémiques encore moins nécessaires.
Des pourcentages qui décoiffent
La nouvelle est que le bio explose en France. C’est un vrai boom comme aucun autre secteur n’en connaît. Sa progression a été de 25% en 2008 et son chiffre d’affaires atteint les 2,6 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien ! De 2000 à 2007, sa croissance n’était (si l’on peut dire n’était) que de 10% l’an. Y a pas mal de branches qui se seraient contentées d’une progression de moitié inférieure. Et arrive en tête de cette tendance le vignoble. Ses surfaces ayant le label agriculture bio ont fait un bond de 25% en un an, contre 11,6% pour les céréales. Mais, attention, ne faisons pas dire à ces pourcentages plus qu’ils n’en disent. La superficie classée bio ne représente que 2,12% des terres agricoles de l’hexagone, soit en chiffre absolu 584.000 hectares. Les experts de l’Agence-Bio, organisme officiel, pensent qu’elle devrait se situer à 6% en 2012, une extrapolation qui laisse d’autres experts un peu sceptiques.
Mais, bon, l’incompétence du Singe en hiver lui interdit de s’immiscer dans ce genre de débat. Comme il ne s’introduira pas par effraction dans la polémique sur la qualité des vins bio, soufre pas soufre, le laissant aux œnologues, aux sommeliers, aux amateurs avertis, aux dégustateurs professionnels, lui se limitant à n’être qu’un buveur, parfois sans modération, se bornant à classer les nectars de la vigne dans les catégories suivantes : franchement dégueulasse, dégueulasse, ouais passable, convenable, pas mauvais, bon, bon de chez bon, très bon, super bon, oh ! enculé tête de mort celui-là c’est du super-extra ! Les quelque fois qu’il en a bu de ces vins, dans ces restaus bobos parisiens, il n’en a pas été totalement convaincu bien que son penchant le porte vers des crus plutôt âpres, minéraux, moins fruités possible, pas trop alcoolisés (12/13°).
Pour en revenir à ces chiffres qui décoiffent, ils montrent qu’il ne s’agit pas d’un engouement passager de la part des consommateurs. On est en présence d’une tendance de fond même si le bio ne représente actuellement que un modeste 1,7% du marché de l’alimentation contre 3,3% en Allemagne. Mais en matière de modernité, nos voisins d’outre-Rhin ont toujours un temps d’avance sur nous.
La preuve par deux
La meilleure preuve qu’un processus s’est enclenché de manière irréversible, c’est par exemple qu’en trois ans la consommation de lait ou d’œufs bio a été multipliée par deux, que 42% des Français consomment des produits bio ; bien sûr pas exclusivement mais quand ils ont le choix et les moyens leurs préférences vont au bio. 85% d’entre eux connaissent le label AB (agriculture biologique). S’ajoute que 46% des cantines scolaires mettent des aliments bio à leur menu et devraient être 77% en 2012.
Enfin, la grande distribution qui a le flair pour détecter les filons porteurs s’est promptement mise au bio à telle enseigne qu’elle occupe 42% du marché et a connu une progression de, tenez-vous bien, de 39% en 2008. Les grandes surfaces ont actuellement sur leurs gondoles entre 100 et 200 références bio. Elles comptent atteindre les 300 dans l’année qui vient.
Les casseurs de prix comme Leader Price, Lidl, Ed, s’y mettent aussi bien qu’un aliment bio coûte entre 10% et 20% plus cher que son pendant industriel. Si eux aussi montent sur le bateau, c’est que celui ci part pour une longue croisière. Le bio n’est plus une exclusivité de baba-cool, des petits marchés frileux et pluvieux du dimanche matin, ou de quelques boutiques semi clandestines.
Et quand on leur demande aux Français ce qu’ils préfèrent, ils le disent sans ambages : ils veulent du local et du saisonnier. Et c’est là que le bât blesse avec le bio et son boum. Les producteurs hexagonaux ne peuvent pas répondre à la demande. Les importations ont explosé : 30% de l’offre bio vient de l’étranger ce qui n’est pas bon du tout pour la désormais incontournable empreinte carbone. S’agit pas de faire du franchouillard, du chauvinisme type supporteurs
des bleus (bien que ces derniers, pas les onze qui n’arrivent pas à gagner, mais ceux qui les encouragent depuis les tribunes, par ces temps-ci, sont bougrement héroïques), mais bon c’est quand même une ombre au tableau.
Une voie de reconversion
Disons qu’il s’agit d’un petit retard à l’allumage de la part des producteurs. Il faut savoir que pour convertir un élevage au bio, il faut 2 ans, et un champ ensemencé trois. Même si les débouchés sont là, faire ce saut représente un gros investissement. Si les Etats encourageaient plus activement ces reconversions en donnant des facilités pécuniaires, il y aurait plus de candidats à produire bio.
Le Synabio, le syndicat des producteurs bio, comptait 5.600 adhérents en 2008, soit une progression de 12%. La reconversion au bio devrait être la voie à suivre pour certaines filières aujourd’hui en difficulté comme le lait.
« Chez Biolait aussi, écrivait récemment Le Monde, l'approvisionnement est une question-clé. Ce groupement de près de 500 producteurs est l'acteur incontournable de la collecte de lait biologique en France. En 2009, il a dû en importer du Royaume-Uni pour livrer ses clients. "Nous pouvons fournir 40 millions de litres, mais la demande frôle les 50 millions", explique Loïc Dété, le directeur général. Vu que des éleveurs plus nombreux, en cours de conversion, pourront à l'avenir fournir l'entreprise, dans deux ans, la production aura augmenté de 50 %. Les importations ne seront alors plus de mise.
Pour les céréales aussi, c'est un passage obligé. Les principaux moulins bio ont pris l'habitude d'importer du blé d'Italie. Selon les prévisions du ministère de l'agriculture, la collecte de blé biologique sera en hausse de 19 % en 2009, mais le recours aux importations restera nécessaire. »
"Vue la dynamique des conversions, la situation n'a pas vocation à perdurer", assurait la présidente de l’Agencebio, Elisabeth Mercier, au même journal.
Pour en savoir plus :
www.aggencebio.org
www.fnab.org
Fnab : Fédération nationale de l’Agriculture biuologique.
Deux articles du Monde :
La filière bio commence à être victime de son succès (31/08/09)
Les produits bio se démocratisent (13/02/09)
* Auteur de La véritable histoire de Robinson Crusoé et l’île aux marins abandonnés, Amazonie mangeuse d’hommes, incroyables aventures dans l’enfer vert, tous les deux chez Arthaud.
Faut pas désespérer du genre humain ! Qu’est-ce qui lui prend à ce Singe en hiver pour balancer pareil avis péremptoire ? Commencerait-il à avoir la grosse tête, à se prendre pour un néo-nouveau philosophe, un anti- Schopenhauer, ce penseur allemand du XIX° qui estimait que la vie oscillait entre « douleur et ennui », ou encore un anti-Cioran, grande figure intellectuelle de Saint-Germain-des-Près d’origine roumaine, chantre de l’inutilité de l’existence, qui considérait que toute naissance était « un accident risible » qui mourut néanmoins de vieillesse alors qu’il aurait été logique qu’il se suicidât. Mais, voilà, on a beau avoir des vilaines pensées sur la vie, il n’en demeure pas moins que celle-ci, la vie, est putainement belle en fin de compte. Ce n’est pas l’auteur de ces lignes qui dira le contraire.
Il se félicite que ses géniteurs aient copulé le jour ou le soir où ils l’ont fait, comme ça il est parmi vous. Si ç’avait été la veille, ça aurait été un(e) autre que lui, et si ç’avait été le lendemain, ça n’aurait pas été lui, quand on sait le peu de probabilité qu’a un spermatozoïde d’atteindre son but. Passer du stade de spermatozoïde à être humain au terme d’une course effrénée, ça du bon car un des bonheurs de la vie c’est qu’elle permet de boire et de tirer des bons coups…
Qu’est-ce donc qui incite ce Singe en hiver à être aussi sentencieux que ça, aussi docte qu’un médecin penché sur un cadavre annonçant : « la vie l’a quitté », à aller à contre-courant du climat de morosité depuis le tour de passe-passe des sub-primes qui en a ruiné plus d’un qui se croyait super-malin et privilégié en plaçant sa fortune chez Madoff, un vrai génie celui-là de l’embrouille et de la carambouille? Tout simplement un nouvelle parue à la fin de l’été, au moment juste où on doit reprendre le collier, et qui est passée en grande partie inaperçue, noyée dans le flot de nouvelles sans intérêt et de polémiques encore moins nécessaires.
Des pourcentages qui décoiffent
La nouvelle est que le bio explose en France. C’est un vrai boom comme aucun autre secteur n’en connaît. Sa progression a été de 25% en 2008 et son chiffre d’affaires atteint les 2,6 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien ! De 2000 à 2007, sa croissance n’était (si l’on peut dire n’était) que de 10% l’an. Y a pas mal de branches qui se seraient contentées d’une progression de moitié inférieure. Et arrive en tête de cette tendance le vignoble. Ses surfaces ayant le label agriculture bio ont fait un bond de 25% en un an, contre 11,6% pour les céréales. Mais, attention, ne faisons pas dire à ces pourcentages plus qu’ils n’en disent. La superficie classée bio ne représente que 2,12% des terres agricoles de l’hexagone, soit en chiffre absolu 584.000 hectares. Les experts de l’Agence-Bio, organisme officiel, pensent qu’elle devrait se situer à 6% en 2012, une extrapolation qui laisse d’autres experts un peu sceptiques.
Mais, bon, l’incompétence du Singe en hiver lui interdit de s’immiscer dans ce genre de débat. Comme il ne s’introduira pas par effraction dans la polémique sur la qualité des vins bio, soufre pas soufre, le laissant aux œnologues, aux sommeliers, aux amateurs avertis, aux dégustateurs professionnels, lui se limitant à n’être qu’un buveur, parfois sans modération, se bornant à classer les nectars de la vigne dans les catégories suivantes : franchement dégueulasse, dégueulasse, ouais passable, convenable, pas mauvais, bon, bon de chez bon, très bon, super bon, oh ! enculé tête de mort celui-là c’est du super-extra ! Les quelque fois qu’il en a bu de ces vins, dans ces restaus bobos parisiens, il n’en a pas été totalement convaincu bien que son penchant le porte vers des crus plutôt âpres, minéraux, moins fruités possible, pas trop alcoolisés (12/13°).
Pour en revenir à ces chiffres qui décoiffent, ils montrent qu’il ne s’agit pas d’un engouement passager de la part des consommateurs. On est en présence d’une tendance de fond même si le bio ne représente actuellement que un modeste 1,7% du marché de l’alimentation contre 3,3% en Allemagne. Mais en matière de modernité, nos voisins d’outre-Rhin ont toujours un temps d’avance sur nous.
La preuve par deux
La meilleure preuve qu’un processus s’est enclenché de manière irréversible, c’est par exemple qu’en trois ans la consommation de lait ou d’œufs bio a été multipliée par deux, que 42% des Français consomment des produits bio ; bien sûr pas exclusivement mais quand ils ont le choix et les moyens leurs préférences vont au bio. 85% d’entre eux connaissent le label AB (agriculture biologique). S’ajoute que 46% des cantines scolaires mettent des aliments bio à leur menu et devraient être 77% en 2012.
Enfin, la grande distribution qui a le flair pour détecter les filons porteurs s’est promptement mise au bio à telle enseigne qu’elle occupe 42% du marché et a connu une progression de, tenez-vous bien, de 39% en 2008. Les grandes surfaces ont actuellement sur leurs gondoles entre 100 et 200 références bio. Elles comptent atteindre les 300 dans l’année qui vient.
Les casseurs de prix comme Leader Price, Lidl, Ed, s’y mettent aussi bien qu’un aliment bio coûte entre 10% et 20% plus cher que son pendant industriel. Si eux aussi montent sur le bateau, c’est que celui ci part pour une longue croisière. Le bio n’est plus une exclusivité de baba-cool, des petits marchés frileux et pluvieux du dimanche matin, ou de quelques boutiques semi clandestines.
Et quand on leur demande aux Français ce qu’ils préfèrent, ils le disent sans ambages : ils veulent du local et du saisonnier. Et c’est là que le bât blesse avec le bio et son boum. Les producteurs hexagonaux ne peuvent pas répondre à la demande. Les importations ont explosé : 30% de l’offre bio vient de l’étranger ce qui n’est pas bon du tout pour la désormais incontournable empreinte carbone. S’agit pas de faire du franchouillard, du chauvinisme type supporteurs
des bleus (bien que ces derniers, pas les onze qui n’arrivent pas à gagner, mais ceux qui les encouragent depuis les tribunes, par ces temps-ci, sont bougrement héroïques), mais bon c’est quand même une ombre au tableau.
Une voie de reconversion
Disons qu’il s’agit d’un petit retard à l’allumage de la part des producteurs. Il faut savoir que pour convertir un élevage au bio, il faut 2 ans, et un champ ensemencé trois. Même si les débouchés sont là, faire ce saut représente un gros investissement. Si les Etats encourageaient plus activement ces reconversions en donnant des facilités pécuniaires, il y aurait plus de candidats à produire bio.
Le Synabio, le syndicat des producteurs bio, comptait 5.600 adhérents en 2008, soit une progression de 12%. La reconversion au bio devrait être la voie à suivre pour certaines filières aujourd’hui en difficulté comme le lait.
« Chez Biolait aussi, écrivait récemment Le Monde, l'approvisionnement est une question-clé. Ce groupement de près de 500 producteurs est l'acteur incontournable de la collecte de lait biologique en France. En 2009, il a dû en importer du Royaume-Uni pour livrer ses clients. "Nous pouvons fournir 40 millions de litres, mais la demande frôle les 50 millions", explique Loïc Dété, le directeur général. Vu que des éleveurs plus nombreux, en cours de conversion, pourront à l'avenir fournir l'entreprise, dans deux ans, la production aura augmenté de 50 %. Les importations ne seront alors plus de mise.
Pour les céréales aussi, c'est un passage obligé. Les principaux moulins bio ont pris l'habitude d'importer du blé d'Italie. Selon les prévisions du ministère de l'agriculture, la collecte de blé biologique sera en hausse de 19 % en 2009, mais le recours aux importations restera nécessaire. »
"Vue la dynamique des conversions, la situation n'a pas vocation à perdurer", assurait la présidente de l’Agencebio, Elisabeth Mercier, au même journal.
Pour en savoir plus :
www.aggencebio.org
www.fnab.org
Fnab : Fédération nationale de l’Agriculture biuologique.
Deux articles du Monde :
La filière bio commence à être victime de son succès (31/08/09)
Les produits bio se démocratisent (13/02/09)
* Auteur de La véritable histoire de Robinson Crusoé et l’île aux marins abandonnés, Amazonie mangeuse d’hommes, incroyables aventures dans l’enfer vert, tous les deux chez Arthaud.
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