On l’ignore souvent mais la vigne est une plante fragile. Son affinité pour les sols pauvres et peu fertiles ne permet sa culture que quasi exclusivement en monoculture. La monoculture est par essence plus fragile que la polyculture qui encourage la biodiversité et les cultures associées, en combinant plusieurs espèces végétales sur une même parcelle, limitant ainsi la prolifération des parasites et des ravageurs.
L’apparition de nouveaux agents destructeurs du type Phylloxera
Le plus grand danger qui menace la vigne est le retour d’agents destructeurs de la vigne comme le Phylloxera. Cet insecte originaire de l'est des États-Unis a provoqué une grave crise du vignoble européen à partir de 1863. Il a en effet fallu plus de trente ans pour la surmonter, en utilisant des porte-greffes issus de plants américains naturellement résistants au phylloxéra.
L’apparition de nouveaux agents destructeurs du type Phylloxera
Le plus grand danger qui menace la vigne est le retour d’agents destructeurs de la vigne comme le Phylloxera. Cet insecte originaire de l'est des États-Unis a provoqué une grave crise du vignoble européen à partir de 1863. Il a en effet fallu plus de trente ans pour la surmonter, en utilisant des porte-greffes issus de plants américains naturellement résistants au phylloxéra.
La réapparition de la maladie de Pierce dans le vignoble californien en 1996 est un rappel, sans doute salutaire, que la vigne est un plante fragile. Cette maladie est causée par une bactérie, Xylella fastidiosa, qui génère la production d’un gel qui empêche le xylène[1] de fonctionner correctement et la plante de pomper l’eau du sol. Les feuilles jaunissent, les rameaux meurent, la plante elle-même pérît entre 1 et 5 ans. Il n’existe aucun traitement contre cette bactérie. Elle est présente auprès de petits cours d’eau nommés « Creeks » que l’on rencontre fréquemment en Californie. Cette maladie n’est pas nouvelle puisqu’elle fût découverte en 1892 par Newton Barris Pierce près de Anaheim [2] où elle détruisit plusieurs centaines d’hectares de vignobles. On retrouve cette bactérie sur la côte sud ouest des Etats -Unis, y compris dans la Napa et la Sonoma ainsi qu’au Mexique, au Costa Rica et possiblement en Amérique du Sud. Il n’existe aucune variété de vitis Venifera résistante à cette bactérie et le Pinot Noir et le Chardonnay y sont particulièrement sensibles. L’université viticole Californienne d’UC Davies travaille actuellement sur la production d’une Vitis Venifera résistante à cette maladie. La proximité de citronniers et de lauriers roses dans les vignobles accroît la présence de cette bactérie car ils sont des hôtes naturels.
Le Réchauffement Climatique
La menace de l’apparition d’agents destructeurs dans les vignes est d’autant plus grande que le réchauffement climatique va grandement perturber les écosystèmes et les conditions hivernales trop douces ne pourront pas éradiquer certains des ravageurs de la vigne. Deux menaces sont immédiates avec la maladie de Pierce et celle du Bois Noir[3].
Il est n’est pas non plus tout à fait impossible que de nouvelles espèces d’agents destructeurs, en particulier viraux, puissent se développer dans des conditions écologiques aussi dégradées.
Le réchauffement climatique a déjà eu un impact non négligeable sur la viticulture mondiale et l’élaboration du vin. Les degrés d’alcool ont déjà augmentés dans les vins ces trente dernières années. Ce n’est certes pas la seule raison, l’influence de certains journalistes américains et œnologues réputés ayant contribué aussi à cette augmentation des degrés alcooliques au nom d’une meilleure maturité phénolique et physiologique parfois discutable.
L’effet du réchauffement climatique sur la vigne est probablement plus gérable que l’invasion de prédateurs inconnus en particulier avec les techniques de gestion du feuillage (canopee management) et dont la majorité est originaire des pays du nouveau monde (en général plus chauds que ceux de la vieille Europe) et dont Richard Smart [4] en est l’un des aficionados les plus connus.
Richard Smart néanmoins prédit que certains cépages perdront leur couleur et leurs qualités organoleptiques, le Pinot Noir et le Sauvignon Blanc semblent les plus menacés.
Intuitivement si le réchauffement climatique peut être contenu dans les 2°C, (température dont les experts du GIEC [5] nous disent que c’est probablement le maximum gérable), on peut penser que la viticulture s’adaptera dans la plupart des pays du monde. Par contre, un accroissement de la température de 4°C ou plus (tout à fait envisageable aujourd’hui) serait sans doute catastrophique pour la vigne. Mais peut-on utiliser le mot de catastrophe au regard des autres dommages que causeraient une telle augmentation ?
La raréfaction de l’Eau
Elle est aussi une conséquence du changement climatique mais aussi des demandes croissantes d’une population mondiale toujours en augmentation et des méthodes de cultures intensives apparues dans les années 1920.Certaines régions et certains pays sont déjà affectés. L’Australie, bien sûr, qui vit une sécheresse sans doute sans précédent due au réchauffement climatique mais aussi au phénomène climatique El Nino
Les scientifiques ont établi un lien entre l’occurrence du phénomène El Nino dans l’Océan Pacifique et les sécheresses en Australie. El Nino se produit lorsque l’Océan Pacifique se réchauffe, et provoque un climat plus chaud et plus humide qui se déplace vers l’est, laissant un climat plus sec dans le Pacifique ouest et l’Australie.
Le phénomène El Nino le plus dévastateur jamais enregistré a eu lieu en 1997/1998 et avait provoqué une sécheresse en Australie (qui persiste encore aujourd’hui) et en Indonésie ainsi que des inondations au Pérou et en Equateur.
Si la sécheresse devait perdurer on se demande pendant combien de temps l’Australie pourra encore assurer la viticulture industrielle qui a largement contribuée aux succès des vins australiens dans le monde.
D’autres régions sont aussi touchées, comme le Chili et la Central Valley en Californie.
En Europe, certaines régions espagnoles sont en déficit chronique depuis des années. La Macha est plus importante parce plus qualitative que la Rioja. En Italie c’est le Chianti, et en France, le Languedoc Roussillon qui sont les plus touchés.
L’urbanisation
Beaucoup de vignobles se situent en bordure de mer car l’océan agit comme un régulateur thermique. Les bordures de mer sont aussi prisées des spéculateurs et des bâtisseurs de « villages de vacances » . Ici, l’équation est simple. Quand le prix du mètre carré du terrain à bâtir dépasse le prix de la terre plantée en vignobles, ceux-ci disparaissent.
Des vignobles historiques et prestigieux sont menacés. Le vignoble de Crimée au bord de la mer Noire, long de plus d’une centaine de kilomètres et dont les meilleurs vignobles regardent la mer à longueur d’année. Ce magnifique terroir dont le sol est en grand partie composée de schistes est similaire à celui de la vallée du Douro. Il produit des liquoreux somptueux et, à sans doute, comme dans la vallée du Douro, la capacité de produire des vins non mutés de grande classe.
Tant que le vignoble est encore une institution de l’état, un sovkhoze (c’est le derniers en Ukraine), on peut penser que cela sera suffisant pour contenir les spéculateurs et les fournisseurs de loisirs massifiés. Mais ses jours sont comptés comme institution d’état nous dit Boiko, le directeur de la cave de Massandra qui gère une grande partie de ce vignoble et le marché risque fort de régler le sort de ce fabuleux vignoble à plus ou moins brève échéance.
Les vignobles uniques de l’Ile grecque de Santorin sont un autre exemple de vignobles menacés. Cette île volcanique totalement détruite environ 1700 ans avant JC et reconquit par l’homme quelques 3 siècles plus tard est un exemple unique de la capacité humaine à s’adapter à l’adversité car on trouve dans le monde peu de conditions aussi difficiles de culture de la vigne avec des sols arides, battus par les vents et le sable.
Si les conditions géologiques et météorologiques de l’île font de la culture de la vigne, une culture difficile requérant patience, ingéniosité et ténacité, les sols, en partie sableux de l’île ont permis aux vignobles d’échapper aux ravages du Phylloxera et de figurer au palmarès des rares vignobles européens aux ceps francs de pied. La culture de la vigne se poursuit donc par marcottage [6] sans le recours aux greffes des plantes. Mais ce n’est pas les seules difficultés, les vignobles de Santorin ne bénéficient que d’une pluviométrie très faible et les vignes reçoivent les brumes marines durant les nuits d’été qui déposent une quantité d’eau non négligeable. En surface, le sol poreux absorbe « la pluie nocturne » et c’est ce qui explique que les vignes possèdent de nombreuses radicelles en surface, favorables à des productions de grandes qualités gustatives. A ce phénomène marin vient s’ajouter un autre facteur climatique, les “meltèmes”, vents saisonniers qui soufflent l’été venant diminuer le degré d’humidité atmosphérique et protégeant les vignobles de la pourriture grise, danger pour les vignobles des régions chaudes et humides.
Les conditions climatiques si particulières de l’île ont conduit les viticulteurs à adopter un type de viticulture unique au monde.
Les vignes sont taillées en formes basses, proches du sol afin de limiter les besoins en eau et pour les protéger des vents. Une autre caractéristique propre au paysage viticole de Santorin est la taille des rameaux des vignes en corbeille, “ampéliès”, protections végétales contre le sable fin qui meurtrissent les bourgeons. Pour former ces corbeilles, si caractéristiques du paysage viticole de Santorin, les vignerons pratiquent un système de taille appelé le “gobelet en couronne” qui consiste en une courbure et un entrelacement des meilleurs sarments sélectionnés chaque année. Ici, c’est le cépage “assyrtiko” qui règne en maître et qui produit des vins blancs d’une grande pureté, minéraux à l’acidité parfois mordante mais tellement rafraîchissante. Ici aussi l’envahisseur c’est le tourisme avec tout ce qu’il faut pour l’accueillir, bungalow, hôte, cinéma, voiture etc. si bien que depuis une trentaine d’années le vignoble ne survit que grâce au courage et aux sacrifices de viticulteurs passionnés…Mais pour combien de temps ?
le lobby anti-alcool
On ne peut pas dire que la France ait été particulièrement gâtée avec les gouvernements des 25 dernières années. Le patrimoine viticole (et gastronomique) n’est pas particulièrement valorisé par nos politiques contrairement à l’Espagne et l’Italie.
Les responsables politiques et scientifiques n’ont jamais su ou jamais voulu faire la différence entre une consommation d’alcool que l’on peut qualifier de «culturelle » et l’alcoolisme.
On en veut encore pour preuve le dernier rapport de l’Institut National du Cancer publié fin 2008 et qui va bien au delà des recommandations de l’OMS, en expliquant sur des bases scientifiques fallacieuses que toute consommation d’alcool est un inducteur de cancer. Ce rapport ne fait nullement état de la recherche scientifique actuelle qui démontre sans ambiguïté qu’une consommation d’alcool modérée de une a quatre unités par jours est bénéfique pour la santé et un facteur protecteur du système cardio-vasculaire. Le vin a bien une supériorité sur les autres boissons alcoolisées parce qu’il contient, en particulier le vin rouge, des polyphenols qui sont de puissants antioxydants qui ont la capacité d’éliminer les radicaux libres générateurs de maladies graves dont le cancer (voir Vins, Alcool et Santé sur ce blog).
Le sujet est particulièrement sensible voire même émotif car il touche de prêt à la morale et au désir d’une partie de l’humanité de vouloir contrôler l’autre. Le terme d’hygiéniste utilisé pour désigner les opposants à la consommation d’alcool a une forte connotation moraliste. En règle générale, les tenants de la morale hygiéniste sont plutôt du côté des décideurs dans nos sociétés.
La consommation de vins continuera donc de baisser en Europe et en particulier en France, en Italie et en Espagne qui sont les 3 principaux pays producteurs. Pays où il est vrai, la consommation avait atteint des niveaux tels qu’elle était devenue un problème de santé nationale.
La Commission Européenne avait proposé en 2007 un arrachage de 400,000 hectares sur 5 ans dans l’Union Européenne. C’est finalement un arrachage de 200,000 hectares sur trois ans qui sera retenu. En 2009-2010, on arrachera environ 45,000 hectares de vigne dont 7000 en France principalement dans le Languedoc Roussillon.
Il est peu probable que cette diminution ne soit compensée par un accroissement de la viticulture dans les pays du Nouveau Monde car il existe une surproduction mondiale de vin depuis plusieurs années.
[1] Ce tissu de la plante a la capacité de transporter de grandes quantités d'eau et de nutriments depuis le sol jusqu'à l'usine photosynthétique : les feuilles.
[2] Anaheim est une ville de Californie située dans le comté d'Orange, dans la banlieue sud de Los Angeles et à l'est de Long Beach.
[3] Le Bois noir est une maladie de la vigne depuis longtemps mais depuis 1993, on est sûr qu'elle est liée (et probablement due) au phytoplasme du Stolbur. Les phytoplasmes, comme le Stolbur, sont des micro-organismes voisins des bactéries mais sans paroi et non cultivables en dehors d'un organisme vivant. Sur vigne, seuls des tests de laboratoire permettent de différencier sûrement le bois noir de la Flavescence dorée. En 1994, il a été démontré que la Cicadelle Hyalesthes obsoletus, anciennement connue comme vecteur du Stolbur, peut transmettre le phytoplasme à la vigne. Il pourrait donc être le vecteur naturel du Bois noir.
[4] Dr. Richard Smart (né le 6 mars, 1945, Windsor, Nouvelle Galles du Sud) est un viticulteur australien qui a révolutionné la culture de la vigne en particulier dans le Nouveau Monde avec des techniques de gestion du feuillage (canopee management).
[5] Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC, en anglais Intergovernmental Panel on Climate Change, IPCC) « a pour mission d’évaluer, sans parti pris et de façon méthodique, claire et objective, les informations d’ordre scientifique, technique et socio-économique qui nous sont nécessaires pour mieux comprendre les risques liés au changement climatique d’origine humaine.
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